Déclaration du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » sur la situation socio-politique avant l’élection présidentielle

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Un pays sous pression alors que la solution est connue 

A sept mois de l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire présente un environnement social et politique qui ressemble à du déjà-vu, qui rassemble les ingrédients d’une situation explosive à venir. Malgré les crises vécues par le pays, malgré les nombreuses destructions de biens et pertes en vies humaines, la Côte d’Ivoire a du mal à se débarrasser de l’esprit mauvais qui la poursuit depuis des décennies. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », ce qui arrive devant nous est prévisible, et tout le monde le voit clairement. Sans souhaiter que cela arrive effectivement, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » a choisi de présenter le tableau qui rend prévisible ce que tout le monde voit venir.

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », LA VIOLENCE ET LES TROUBLES POLITIQUES NE SONT PAS UNE FATALITE. Les ivoiriens sont capables de surmonter cette autre épreuve électorale comme ils ont surmonté bien d’autres mais dans l’union, l’entente et le consensus sur ce qui est bien dans l’intérêt de tous et du pays.

Le Président Alassane Ouattara dont il ne fait aucun doute qu’il sera le candidat du RHDP mais qui veut l’annoncer le plus tard possible a la possibilité, grâce à une politique d’ouverture, de conjurer ce mauvais sort. C’est le souhait du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » pour que l’élection présidentielle de cette année reste l’occasion d’un affrontement démocratique apaisé et crédible et non plus de renouer avec le cycle meurtrier et destructeur de la violence.

Pour ne pas avoir à agir pour empêcher les choses, on se convainc qu’il n’y aura rien, sûr du soutien de cet autre acteur extérieur et bien connu du jeu politique ivoirien pour manœuvrer à sa guise. Et pourtant, à chaque fois, il y a des morts. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » veut que ce cycle meurtrier et fou cesse et qu’il y ait du bon sens dans la gouvernance politique de la Côte d’Ivoire.

En prospective stratégique, l’on dirait qu’il y a, en Côte d’Ivoire, une ‟fabrique” consciente ‟de la stratégie” par tous les acteurs politiques quels qu’ils soient pour que la situation soit comme celle qui est réellement vécue. L’enjeu de captation et de jouissance des biens et moyens de l’Etat domine tout le reste et structure la vie politique nationale. LA CÔTE D’IVOIRE EST AINSI ASSISE SUR DES BRAISES. Plusieurs situations se conjuguent pour rendre l’environnement socio-politique extrêmement volatile et préoccupant. Quelles sont ces situations ?

Une école ivoirienne au plus mal et en situation de privatisation de fait qui appauvrit les familles

L’école en Côte d’Ivoire connaît une privatisation de fait, là où, ailleurs, dans les pays développés et plus riches, le privé est réservé aux nantis. L’offre éducative dans notre pays est, en effet, dominée par le privé. Au cours de l’année scolaire 2023-2024, tous cycles confondus, 77,5% des établissements sont privés. Au niveau du cycle secondaire, le public, lui, accueille, toujours en 2023-2024, 36,9% des effectifs d’élèves contre 63,1% pour le privé (source : MENA/DESPS) là où, en France, environ 17% seulement des élèves (écoles, collèges et lycées compris) sont scolarisés dans des écoles privées (source : ministère français de l’Education nationale).

Aux Etats-Unis, « en 2022, l’année la plus récente pour laquelle les données du recensement étaient disponibles, 84 % des 54 millions d’enfants américains âgés de 5 à 17 ans fréquentaient des écoles publiques. 11,8 % supplémentaires fréquentaient des écoles privées. (…) Dix ans plus tôt, en 2012, la part des élèves scolarisés dans le public était de 86,3 %, et celle des élèves scolarisés dans le privé de 10,6 % » (source : données d’enquête du Bureau du recensement des Etats-Unis livrées par Education Week).

En Côte d’Ivoire, le déséquilibre important entre la part du privé et celle du public s’observe à tous les niveaux et dans tous les cycles. Et, d’année en année, la privatisation de l’école ivoirienne s’accélère à un rythme effréné, obligeant les parents à s’appauvrir davantage pour scolariser leurs enfants. Tout cela joue sur le portefeuille des familles et donc le pouvoir d’achat des ménages. Malheureusement, pendant que le marché des écoles privées se porte très bien et est en pleine croissance, le pays reste parmi les plus mal classés en Afrique et produit, chaque année, des milliers de chômeurs potentiels. Tout cela se résume donc, pour les familles, en des dépenses à perte puisque l’enfant revient à la maison avec un diplôme en main mais reste condamné au chômage. Les familles vivent difficilement cette situation qu’elles voient comme un échec personnel.

Il est vraiment curieux que les pays les plus riches du monde continuent d’accorder la priorité à l’enseignement public alors que la Côte d’Ivoire a choisi le modèle inverse. Et pourtant, ces pays sont parmi les plus libéraux. Ce choix politique fait par l’Etat de Côte d’Ivoire est dangereux pour le pays et contribue à l’appauvrissement généralisé. QUEL OBJECTIF STRATÉGIQUE POURSUIT LA CÔTE D’IVOIRE AVEC CETTE POLITIQUE DE L’ÉCOLE OU BIEN CHERCHE-T-ELLE L’ÉCROULEMENT DE SON SYSTÈME ÉDUCATIF ET À QUELLES FINS ? EST-CE L’UN DES EFFETS PERVERS DES PAS (Programmes d’ajustement structurel) imposés aux pays africains dans les années 90 et dont l’un des chantres fut le Président Ouattara ? Ce sont des questions que le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » se pose.

La Côte d’Ivoire a mal à sa démocratie

La volonté d’une oligarchie politique de continuer à profiter le plus longtemps possible du système mis en place contribue à alimenter les tensions politiques dans le pays. Le refus du jeu équitable par le parti au pouvoir et sa volonté d’écarter de la compétition électorale un rival ou les candidats jugés dangereux sont pointés du doigt à chaque occasion. Les conditions de concurrence et de participation inclusive subissent toujours, d’une manière ou d’une autre, des limitations politiciennes qui ne favorisent pas la pleine expression de la démocratie électorale. LA CÔTE D’IVOIRE, DES DÉCENNIES APRÈS LE MULTIPARTISME, A DU MAL À S’ADAPTER AU JEU DÉMOCRATIQUE JUSTE ET ÉQUITABLE.

En Côte d’Ivoire, on cherche toujours l’occasion de limiter l’offre politique pour obliger les électeurs à faire un choix indiqué. La volonté d’un camp d’être toujours près de la ligne d’arrivée alors que les autres restent sur la ligne de départ est à la base de toutes les crises pré- et postélectorales connues par le pays. Le pouvoir ne veut faire aucune concession pour des élections inclusives et ouvertes. Il refuse toute réforme électorale censée garantir des élections transparentes, inclusives, justes et sans contestations.

Comme naguère en 1998 où le pouvoir d’alors refusait les urnes transparentes, le bulletin unique, l’affichage des résultats par bureau de vote, un ministère de l’intérieur non partisan et bien d’autres choses nécessaires pour un jeu électoral honnête, en 2025, le pouvoir RHDP et la CEI refusent la révision de la liste électorale avant la présidentielle, la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote et l’audit de la liste électorale. L’interdiction astucieuse de toute manifestation publique de la société civile et des réunions des organisations syndicales rappelle aussi les interdictions édictées par le gouvernement et par la législation en 1999. Des personnalités politiques ou militaires demeurent en prison ou en exil malgré les appels incessants des religieux, de la société civile et des politiques à plus de magnanimité pour créer un climat apaisé.

Un malaise social général et grandissant

On note l’exaspération des ivoiriens face à une corruption et des scandales financiers à répétition avec des enquêtes toujours en cours qui ne finissent jamais. Le problème du foncier menace de créer une explosion sociale généralisée, surtout dans les grandes villes où la pression foncière est forte.

Malgré ses réussites macroéconomiques avec une croissance soutenue, LA POLITIQUE SOCIALE DU PRÉSIDENT ALASSANE OUATTARA CRÉE DES MÉCONTENTEMENTS DANS LA POPULATION. Ses performances économiques plaisent aux marchés financiers et aux instruments de la gouvernance économique mondiale mais déplaisent fortement aux ivoiriens qui se sentent de plus en plus pauvres avec une vie de plus en plus chère. Conséquence : la misère s’amplifie, poussant à l’émigration clandestine pour fuir un pays où il n’y a plus d’espoir de réussite pour les jeunes. Si, par des artifices sécuritaires, il ne leur était pas empêché de manifester leur ras-le-bol, certains ivoiriens se seraient bruyamment exprimés et l’on verrait que les mécontentements se comptent même dans les rangs des partisans du régime.

La réalité semble tellement en déphasage avec les déclarations officielles chiffrées que certains mêmes des chiffres annoncés sont raillés. La réduction de la pauvreté est à l’évidence plus lente que la croissance économique. Pour beaucoup, en effet, la politique économique du Président Alassane Ouattara facilite la vie aux plus riches et complique la vie aux plus pauvres. Le sentiment général qui règne est que le pouvoir Alassane Ouattara travaille pour les riches et appauvrit les pauvres. Ce n’est pas le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » qui le dit ; c’est le PNUD qui le dit dans ses rapports de 2021, 2022 et 2024. Ces rapports ont sanctionné la politique sociale de la Côte d’Ivoire en la jugeant mauvaise pour un pays qui a un fort potentiel économique.

Le pouvoir RHDP se réjouit de son bilan économique axé principalement sur les infrastructures, le secteur extractif, l’énergie, l’agriculture et la consommation des ménages avec des prix toujours à la hausse. Au niveau des ménages, en effet, on constate que les prix augmentent constamment sur le marché des biens et services sous l’effet conjugué de la hausse de la fiscalité et de la suppression des subventions sur certaines denrées alimentaires non périssables pour répondre aux exigences de l’accord de facilité élargie de crédit conclu avec le Fond monétaire international (FMI). Sous le régime RHDP, les populations se sentent écrasées par la cherté de la vie.

LES RÉCRIMINATIONS SONT NOMBREUSES ET LES DÉCEPTIONS FORTES. Mais la peur de se voir arrêté et jeté en prison pour trouble à l’ordre public fait que les plaintes sont étouffées. Et, les populations ont l’impression que, dans ce pays, un camp peut manifester dans les rues sans problème, le camp du parti au pouvoir, pendant qu’aux autres toute manifestation leur est astucieusement interdite, créant des frustrations dans la société. Ce double standard nuit à la cohésion sociale.

NOMBRE D’IVOIRIENS ONT L’IMPRESSION QU’IL PÈSE SUR LA CÔTE D’IVOIRE UNE CHAPE DE PLOMB QUI LES ÉTOUFFE ET NUIT À LEUR ÉPANOUISSEMENT DÉMOCRATIQUE. C’est l’un des facteurs du malaise ambiant. Quinze (15) ans après avoir pris le pouvoir, les reproches faits à Laurent Gbagbo par le RDR à travers ses affiches de campagne de 2010 s’appliquent aussi à lui devenu, entretemps, RHDP. Tout cela donne un air de déjà vu qui montre un pouvoir à bout de souffle.

Ce sont là les composantes du cocktail Molotov que présente la Côte d’Ivoire. Et, cette Côte d’Ivoire fait peur à tous, aux ivoiriens eux-mêmes, aux opérateurs économiques et aux investisseurs qui sont prêts à suspendre tout projet d’investissement en faveur du pays pour attendre après les élections.

Mais chaque camp s’accroche à ses convictions et personne ne semble avoir retenu quelque chose des crises passées qui sont survenues pour les mêmes raisons. De nombreux ivoiriens sont excédés de revivre à tout moment, tous les dix ans, les mêmes scénarios catastrophes à l’occasion de l’élection présidentielle. L’année 2025 présente, à quelques variantes près, les mêmes configurations socio-politiques que les années 1995, 1999 et 2020, avec 2010 et 2011 en embuscade.

Pour conclure

En Côte d’Ivoire, il règne comme une atmosphère de fin de règne qui voit tous les problèmes s’accumuler en même temps, avec un pouvoir RHDP qui n’a rien de nouveau à proposer que la seule personne d’Alassane Ouattara. Dans ces conditions, ses stratèges ne peuvent que suggérer de ne rien lâcher face à l’opposition et recommander à l’emploi de moyens politiciens par l’intermédiaire d’institutions aux ordres pour exclure certains candidats de la compétition électorale.

C’est toujours ainsi, en Côte d’Ivoire et en Afrique, quand le parti au pouvoir manque de confiance en lui-même et en ses forces et lorsqu’il a conscience que le risque de perdre le pouvoir est élevé en cas de processus transparent et de jeu électoral ouvert, juste et équitable. Tout le monde devient alors maximaliste, que ce soit du côté du pouvoir que de celui de l’opposition. C’est la stratégie du pire. C’est dans cette même situation que se retrouve le pays en cette année 2025. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil politique et social de la Côte d’Ivoire. On sait où on va avec le jeu des différents acteurs. ON JOUE DONC À FAIRE PEUR ET À SE FAIRE PEUR.

Et, S’IL N’Y A PAS D’HOMMES ET DE FEMMES DE PAIX (ET DONC UN SURSAUT NATIONAL) CAPABLES DE METTRE LE BIEN COMMUN AU-DESSUS DE TOUTE AUTRE CONSIDÉRATION PERSONNELLE ET PARTISANE, NOUS SERONS CONDAMNÉS À REVIVRE DU DÉJÀ-VU ET À PLEURER DE NOUVEAUX MORTS. A cette allure, les élections vont continuer de compromettre la croissance à long terme et d’affecter négativement les agrégats macroéconomiques du pays.

On va tout détruire pour des élections et, après, il faudra augmenter les taxes et emprunter à nouveau pour rebâtir ce qui a été détruit. Dans tout ça, c’est les opérateurs économiques et le peuple qui trinquent, ce peuple au nom de qui l’on se bat. Comment casser cette dynamique et avoir un processus électoral apaisé comme au Ghana ou au Bénin, par exemple, est tout le problème et résulte d’une volonté politique collective.

Pourquoi, en Côte d’Ivoire, tous les pouvoirs finissent par se conduire de la même manière ? Faut-il alors repenser la Côte d’Ivoire ? Ces questions de fond ne peuvent bénéficier de réponses que dans le cadre d’UN CONSENSUS NATIONAL POUR REFONDER LE PAYS.

Il existe, cependant, une note positive pour ceux qui aiment les chiffres : la croissance économique pourrait bénéficier de la croissance de la consommation des ménages sous l’effet de la peur généralisée du lendemain et de l’augmentation des dépenses sociales à l’approche de la présidentielle. C’est la stratégie cynique du pourrissement pour des dividendes économiques.

Fait à Abidjan, le 14 mars 2025.

Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».

Le Président

Prof. Séraphin Prao