La fin de l’année 2023 a été particulièrement difficile pour les fonctionnaires exerçant dans les établissements publics nationaux (EPN) et les centres de recherche, notamment les chercheurs et enseignants-chercheurs qui ont vécu une situation totalement inédite, qui ne s’est jamais produite en Côte d’Ivoire, même pas pendant la grave crise de 2002 à 2010 avec le pays coupé en deux.
En effet, contrairement à l’usage qui voit le salaire du mois de décembre des fonctionnaires et agents de l’Etat être payé un peu plus tôt pour leur permettre de faire face aux charges liées aux fêtes de fin d’année, ces fonctionnaires et agents de l’Etat n’ont perçu le moindre salaire ou accessoire de salaire. Il aura fallu la conférence de presse interpellatrice du 8 janvier 2024 de leur syndicat pour que, le 9 janvier, il y ait un commencement de paiement des salaires et autres émoluments dans les universités publiques. « Wari bana » ? pourrait-on se demander.
Plusieurs hypothèses expliquent, pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », ce grave problème de trésorerie que connaît la Côte d’Ivoire. Les finances de l’Etat sont en crise, une crise très profonde qui n’est pas prête de s’estomper. L’Etat de Côte d’Ivoire serait au bord de la faillite avec une crise budgétaire importante. Cette fois-ci, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » espère que l’on ne servira pas à l’opinion publique la sempiternelle rengaine du système informatique en expérimentation depuis près de trois ans maintenant. Les problèmes de trésorerie de la Côte d’Ivoire sont réels et il est inutile de chercher à le cacher au peuple.
Le régime RHDP s’est montré un as en entourloupes politiques pour conserver durablement le pouvoir (le jeu politique est verrouillé pour le triomphe imparable du RHDP) mais reste un mauvais gestionnaire des finances publiques qui n’est pas mieux que les anciens régimes qui ont été décriés avant lui.
Le mal de la corruption qui a atteint des proportions jamais égalées
Sous le régime RHDP, la corruption a connu un pic ahurissant. Ses affaires sales ne se comptent plus. Le dernier rapport (n°125/2023) de la Cour des comptes est venu en rajouter au long chapelet des malversations et autres détournements des deniers publics auxquels se livrent en toute impunité certains responsables du parti au pouvoir nommés à la tête des services publics.
Les estimations du préjudice subi par les caisses de l’Etat sont de l’ordre de 1400 milliards en 2019 et de 2132 milliards en 2021 (pour les chiffres rendus publics), sans compter les affaires antérieures de 2013, 2014, 2015, etc. et la toute récente affaire de plusieurs milliards de perdus dans le cadre de la production et de la gestion des passeports et cartes nationales d’identité. Comme on le voit, des milliers de milliards de nos francs disparaissent, chaque année, des caisses de l’Etat pour des faits divers de surfacturations, de travaux non exécutés alors que les fonds ont été décaissés, de détournements massifs de fonds, pour des prétendues saisies erronées avec des montants différents pour l’exécution d’un même projet, etc.
Le peuple gémit ; le peuple pleure ; le peuple n’en peut plus. L’argent diminue pendant que les prix ne font que grimper. Les consommateurs se sentent étranglés par le gouvernement qui profite de la moindre occasion pour réduire leur pouvoir d’achat et les pousser vers l’extrême pauvreté. D’année en année, le revenu disponible pour l’épargne devient presqu’inexistant pour de nombreux agents du privé comme du public. Un rapport des banques montrerait l’ampleur du désastre et de la misère généralisée. Le peuple ne sait plus à quel saint se vouer. Il doit encore, en ce début d’année, subir l’augmentation de 10% du coût de l’électricité qui avait déjà connu, en 2012, une augmentation du tarif industriel de 10% et une hausse de 15% en 2015 et de 9,7 au cours de l’année 2023.
Pendant ce temps, des détourneurs d’argent public font la fête, garnissent leurs comptes en banque et se réalisent avec l’argent volé au peuple. L’opération anti-corruption dans les services publics réclamée par les partenaires internationaux et mise en place en 2021 n’a pas été suffisante pour arrêter les malversations et détournements des deniers publics. Elle n’a pas été à la hauteur des attentes populaires et certains acteurs semblent en avoir été épargnés. L’impunité dont bénéficient nombre d’auteurs des crimes économiques dans de nombreux scandales (au fonds d’entretien routier (FER), au guichet automobile, dans la rénovation des universités publiques, dans la filière café-cacao, dans la gestion du programme présidentiel d’urgence, dans les inscriptions à l’université, etc.) qui mettent à mal les finances de l’Etat est déconcertante, scandaleuse et révoltante. Et, les ivoiriens s’en plaignent énormément.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » appelle à la démission de tous les auteurs des malversations et détournements épinglés par le rapport d’audit de la Cour des comptes. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », ils doivent répondre de leurs crimes économiques devant la loi.
La miséricorde envers les malversations et autres détournements de fonds qui se multiplient d’année en année n’est pas appropriée pour un pays qui vit à crédit. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » constate, à son grand regret, que, dans la gouvernance de la Côte d’Ivoire, le politique bienveillant envers ses partisans a pris le pas sur l’économiste rigoureux.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », le Président Alassane Ouattara doit sévir de la manière la plus ferme et ne doit faire aucune concession aux bandits en col blanc. Il ne doit plus se laisser prendre en otage ni laisser la République être prise en otage par des partisans qu’il a nommés à la tête des services publics et qui ne veulent que « manger » sur le dos du peuple et dans les caisses de l’Etat. Il faut sortir des effets d’annonce de la lutte contre la corruption qu’on brandit pour satisfaire aux revendications des partenaires internationaux. Il faut agir vigoureusement sinon tout le travail rigoureux effectué par la Cour des comptes aura été vain.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », le Président Alassane Ouattara n’a pas d’autre choix que de faire un nettoyage au sein des responsables des services publics épinglés par l’audit de la Cour des comptes s’il ne veut pas voir les paroles des artistes zouglou « si tu as choisi voleur, nous on va t’appeler voleur oh. Tu seras le comptable de ton choix » lui être aussi appliquées après l’avoir été à l’ancien président avant lui. Pour renforcer la gouvernance des finances publiques avec plus de transparence, pour améliorer les recettes de l’Etat et récupérer les fonds détournés, le Président Alassane Ouattara doit sévir. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » appelle donc à la mise en place d’un vaste programme d’assainissement budgétaire et de recouvrement des fonds détournés.
Le remboursement de la dette fait souffrir les ivoiriens
La deuxième hypothèse qui pourrait expliquer les difficultés de trésorerie que connaît la Côte d’Ivoire est relative aux remboursements de la dette qui se font de plus en plus pressants. En 2023, l’encours de la dette publique de la Côte d’Ivoire s’élève à 61,7% du PIB selon des chiffres du Trésor français. Il est vrai que la Côte d’Ivoire reste encore loin du plafond communautaire qui est de 70% mais 61,7%, c’est énorme.
Pour respecter les traites des eurobonds, pour ne pas se discréditer auprès des partenaires internationaux et conserver une bonne signature, la Côte d’Ivoire est obligée d’honorer ses engagements financiers auprès de ceux qui ont bien voulu lui prêter leur argent depuis 10 ans. En étant obligé d’honorer ses engagements financiers, le gouvernement fait subir des chocs importants aux populations en termes de coût de la vie. Il aggrave la cherté de la vie et appauvrit les populations ; ce qui accentue leurs souffrances.
La leçon que le régime RHDP doit retenir de cette situation est qu’on ne peut pas s’endetter indéfiniment sinon ce sont les populations que l’on fait trinquer. Les efforts qui leur seront demandés agiront négativement sur le coût et la qualité de leur vie. Les ivoiriens sont étranglés par les efforts que leur demande le gouvernement pendant que l’Etat connaît des tensions budgétaires et ne parvient pas à mobiliser suffisamment de recettes intérieures.
Un environnement international difficile et inflationniste
Pendant la crise de la Covid-19, le gouvernement de Côte d’Ivoire, conduit par le premier ministre Gon Coulibaly, a été amené à engager une riposte à la hauteur de la crise. 5% du PIB, soit 1700 milliards de nos francs, ont été nécessaires pour la cause. C’est énorme. Après la crise sanitaire, il y a les effets perturbateurs de la guerre en Ukraine et, aujourd’hui, au Moyen-Orient, avec son lot de hausse du prix des engrais, du clinker, des combustibles fossiles, etc. Sous l’effet conjugué de tous ces facteurs, le déficit budgétaire s’est davantage détérioré. Malheureusement, ces crises ont accru et amplifié la propension à importer du pays.
Tout ce qui provient des zones en crise connait une hausse de ses coûts et cela joue énormément sur la balance commerciale et la balance de paiements qui deviennent déficitaires. La balance commerciale est un élément de la balance de paiements. Quand le pays importe plus qu’il n’exporte, la balance commerciale devient déficitaire.
Une balance commerciale excédentaire enrichit le pays en devises et augmente sa capacité d’importation. Celui-ci convertit alors une partie de ces devises en monnaie nationale pour irriguer l’économie et en garde en réserve pour répondre aux crises. Malheureusement, pour la Côte d’Ivoire, les crises successives ont affecté dangereusement sa balance commerciale. Cela a eu, pour conséquences, un déficit de la balance des paiements. Ce qui a obligé la Côte d’Ivoire à recourir à l’emprunt de 3,5 milliards de dollars du FMI sur 40 mois, avec ses conditionnalités impopulaires que l’on sait et qui se ressentent avec la dernière hausse du coût de l’électricité.
Malheureusement, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » est en droit de dire que ce n’est pas encore fini. D’autres mesures impopulaires sont attendues dans les semaines et mois à venir. La Côte d’Ivoire s’est engagée auprès du FMI à prendre certaines mesures difficiles. Celles qui ne sont pas encore prises attendent les circonstances favorables qui permettraient de leur trouver un habillage et un justificatif digestes pour les populations.
Le caractère dispendieux des dépenses effectuées face aux ressources disponibles
La dernière raison qui explique les difficultés financières de l’Etat de Côte d’Ivoire concerne le caractère dispendieux des dépenses engagées pour la CAN 2024. 500 milliards de francs CFA ont été mobilisés pour la construction des infrastructures sportives et diverses autres infrastructures, avec une estimation de près de 600 milliards à cause de la mauvaise exécution de certains travaux dont le stade d’Ebimpé, qualifié par les ivoiriens de piscine ambulante en cas d’intempéries, est le symbole le plus édifiant. Pour la CAN, tout devait être exécuté au pas de course. Pourtant, les règles économiques sont claires.
Les cours de recherches opérationnelles en licence économique avancent qu’on n’engage pas toutes les dépenses à la fois et en même temps, surtout que l’on n’a pas une marge de manœuvre illimitée au niveau des ressources, qu’il y a une contrainte au niveau de ces ressources. Malheureusement, la Côte d’Ivoire n’a pas respecté cette règle économique fondamentale et s’est vue en train d’exécuter tous les chantiers en même temps et au pas de course. Et pourtant, il est impérieux d’optimiser les ressources en cherchant la meilleure solution possible compte tenu des ressources disponibles qui sont limitées.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », la recherche du prestige a malheureusement pris le pas sur les règles économiques. Ce qui est valable pour les travaux exécutés dans le cadre de la CAN l’est aussi pour tous les chantiers initiés à Abidjan et à l’intérieur du pays avec la stratégie de la pelleteuse.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », le Président Alassane Ouattara ambitionne de faire plus que le président Houphouët-Boigny. Il est soupçonné de vouloir effacer l’image du président Houphouët-Boigny pour imposer la sienne à la mémoire nationale et collective. La conséquence de ce rêve est que les ressources disponibles ne sont pas optimisées et le grand nombre de travaux exécutés en mêmes temps pour construire la Côte d’Ivoire en un temps record rend difficile le contrôle des flux financiers destinés à ces ouvrages.
On veut construire la Côte d’Ivoire, la doter d’infrastructures visibles à la hauteur de son prestige international. Malheureusement, les fonctionnaires et les agents de l’Etat et du privé doivent subir les effets pervers de cette politique et les populations souffrent et la paupérisation se généralise.
Le pays va mal, très mal au niveau du social. Il est temps, pour le Président Alassane Ouattara et pour le régime RHDP, de revoir leur gouvernance qui risque de nous conduire tous dans un mur et d’annihiler tous les efforts consentis jusque-là. Des mesures vigoureuses sont attendues.
Tous ceux qui font croire au Président Alassane Ouattara que tout va bien, que les ivoiriens sont les plus heureux au monde ne rendent service ni au Président lui-même ni à la Côte d’Ivoire. Il n’est jamais tard pour bien faire. Le social et encore le social doit être au cœur de toute action gouvernementale et non être réduite à la portion congrue de cette action gouvernementale.
Le manque d’ouverture politique et d’empathie pour la souffrance des ivoiriens sont les deux grandes tares du régime Ouattara. Maintenant que l’Etat a atteint la limite de ses ressources et de ce qu’il est capable de faire, il est impérieux de revenir à ces deux chantiers cardinaux de la vie politique nationale avant qu’une révolte populaire ne secoue le pays.
C’est connu, dans l’histoire du monde ; quand le peuple est étranglé et que ses dirigeants, en quête de prestige, n’entendent pas ses lamentations, cela finit toujours mal. Les grands ouvrages n’ont, nulle part, amené le peuple à oublier son quotidien. Il est temps d’écouter la voix du peuple : les ivoiriens souffrent.
Fait à Abidjan, le 12 janvier 2024.
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».
Le Président
Pr. Séraphin Prao