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Déclaration du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » sur le nouveau partenariat annoncé par le Président français Emmanuel Macron

Les points forts de la déclaration du Président français et le commentaire général qu’ils inspirent
Le lundi 27 février 2023, à la veille d’une tournée en Afrique centrale, le Président français Emmanuel Macron a annoncé, dans une déclaration publique, la mise en place d’un nouveau partenariat avec l’Afrique. Certaines étapes de sa tournée africaine lui ont aussi donné l’occasion de faire de l’explication de texte. Les termes forts de ces déclarations peuvent être résumés comme suit :
« Ce n’est pas le rôle de la France d’apporter des réponses politiques aux problèmes africains ».
« Nous voulons bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable » avec le continent africain.
« Le franc CFA est bien une monnaie africaine ».
« L’objectif de cette nouvelle phase dans laquelle nous entrons, de cette nouvelle ère, est de déployer sous forme partenariale notre présence sécuritaire ». « Au fond, la logique, c’est que notre modèle ne doit plus être celui de bases militaires telles qu’elles existent aujourd’hui. Demain, notre présence s’inscrira au sein de bases, d’écoles, d’académies qui seront cogérées, fonctionnant avec des effectifs français qui demeureront, mais à des niveaux moindre, et des effectifs qui pourraient aussi accueillir, si nos partenaires africains le souhaitent et à leurs conditions, d’autres partenaires ».


« L’Afrique n’est pas un pré-carré encore moins un continent auquel les européens et les français pourraient dicter un cadre de développement ».
Le nouveau partenariat avec l’Afrique doit être « l’inverse des logiques de prédation, qu’elles soient militaires et sécuritaires ou qu’elles soient financières, poussées aujourd’hui par d’autres pays ».
« On ne va pas faire le bien commun. On a des défis communs ».
« La France soutient en Afrique la démocratie et la liberté ».
« La France est un pays qui parle à tout le monde, y compris aux opposants politiques, un pays qui préfère les institutions solides aux hommes providentiels ».
« Je n’ai aucune nostalgie vis-à-vis de la françafrique mais je ne veux pas laisser une absence ou un vide derrière elle ».
« L’ère de la françafrique est révolue ».
La réorganisation du dispositif militaire « n’est ni un retrait ni un désengagement ».
« On prête encore à la France des intentions qu’elle n’a pas, qu’elle n’a plus ».
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », si ces belles paroles peuvent séduire l’opinion publique française, elles sont loin de convaincre les populations africaines victimes du système dénoncé. Quoique la posture délibérative du Président français soit à saluer pour son courage et par le fait qu’il ose regarder en face des sujets considérés longtemps comme tabou par des entités et des groupes d’intérêt d’arrière-garde, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » trouve que les réponses apportées ne sont pas suffisantes et ne sont pas celles qui étaient attendues par les populations africaines. Et, c’est malheureusement une spécificité bien française d’apporter des solutions aux problèmes non posés par les africains et d’éluder ceux qu’ils posent.


Cependant, ce dilatoire, car c’est ainsi que la rhétorique qualifie ce type de manœuvre sophistique, est une aubaine pour les élites africaines si elles parviennent à transformer en portes les quelques fenêtres ouvertes. Le nouveau partenariat prôné par le Président Macron est un pas à saluer qui rappelle la position, elle aussi, courageuse du président Jacques Chirac en 2001 à Yaoundé au Cameroun, en marge du sommet France-Afrique. Parce que sont arrivés le temps des initiatives audacieuses et celui de se dire les vérités sans acrimonie pour que le partenariat avec la France puisse s’adapter aux exigences des sociétés modernes du vingt-et-unième siècle, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » considère les décisions de la partie française comme des tergiversations. Celles-ci, malheureusement, envoient indirectement un message d’encouragement aux pouvoirs militaires issus de putschs comme étant les seuls capables de donner le sens, le destin et la forme voulus aux revendications souveraines africaines par la dénonciation des accords militaires, diplomatiques, économiques et monétaires signés avec elle. C’est aussi un mauvais signal que la France envoie aux opinions publiques et aux démocraties balbutiantes africaines. Pour éviter de légitimer en quelque sorte et de rendre inéluctable cette forme de prise de pouvoir qui n’est pas à encourager, il suffit de revoir le logiciel actuel, de le reconfigurer profondément et non d’en changer l’habillage.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », les questions possibles qui devraient nourrir cette reconfiguration peuvent être les suivantes :
Que veulent précisément les africains ? Il s’agit, ici, des africains qui posent le problème de la reconfiguration du logiciel actuel ou de changement de logiciel et non pas de ceux qui n’ont aucun problème à poser, fussent-ils des dirigeants des Etats africains.
Que souhaitent les français qui veulent éviter l’humiliation et le déclassement dans les relations internationales ?
Quelles sont les concessions mutuelles que chaque camp est capable de faire au regard des enjeux et défis actuels dans le monde et de leurs intérêts stratégiques ?
Au regard des attentes des uns et des autres, quel partenariat faut-il mettre en place ? Des esquisses de solution ont été faites par la partie française. La partie africaine doit en faire l’évaluation et présenter ses contre-propositions. Malheureusement, la classe dirigeante africaine actuelle n’osera pas faire preuve de pugnacité pour ne pas froisser le partenaire français. La faute n’est donc pas aux français qui se contenteront de cette apathie africaine mais aux dirigeants africains qui ont une vision stratégique courtermiste et étriquée.

French President Emmanuel Macron greets people in the crowd as he arrives to visit a school in Ouagadougou, Burkina Faso November 28, 2017. REUTERS/Philippe Wojazer – RC17C832DB70

Ces questions que le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » pose ne sont pas, bien-sûr, exhaustives. Mais en y apportant des réponses claires, concrètes et audacieuses, il est possible d’établir les conditions et de redéfinir les frontières de la nouvelle entente entre partenaires africains et français. Si cela n’est pas fait, alors il faudrait s’attendre aux pires convulsions ou difficultés qu’entrevoyait lucidement le président Jacques Chirac déjà en 2001 et qui verraient des africains prendre leurs responsabilités face aux atermoiements français, avec toute la brutalité et le choc psychologique que supposent une telle initiative et ses conséquences irréversibles. Les circonstances internationales actuelles avec la guerre en Ukraine à laquelle pourrait se superposer, à l’horizon 2025, un nouveau foyer de tensions en préparation dans l’Asie-Pacifique rendront, tant qu’elles perdureront, ces initiatives plus fréquentes et inéluctables parce que, pendant que la France est absorbée par la guerre en Ukraine aux conséquences géopolitiques tectoniques et incalculables, son flanc africain risque d’être dégarni. Nul ne peut suivre deux lièvres à la fois et avec la même attention.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » ne parle pas d’hommes, encore moins d’outils sécuritaires mais d’initiatives stratégiques qui risquent d’être contrariées par les turbulences internationales. Il n’y a qu’à observer ce qui se passe dans la sous-région pour comprendre que la France qui était à la manœuvre face au ‟trublion” Laurent Gbagbo n’a plus la même verve aujourd’hui face à d’autres Laurent Gbagbo sankarisés. Elle a perdu de sa superbe stratégique, diplomatique et autre. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. La chance qu’elle a, cependant, c’est qu’elle a encore, à la tête de nombreux Etats africains, des dirigeants qui lui restent fidèles et que la lutte menée par les africains est réactive, non coordonnée, n’est pas préactive et ne se fait pas dans un cadre systémique. Mais, il suffit d’un renversement général de situation pour que tout soit remis en cause et à plat.
Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », le contentieux entre la France et l’Afrique reste entier. Malgré les dénégations du Président Macron, la bête de la françafrique est bel et bien vivante. Elle essaie de faire sa mue face à l’adversité de l’histoire. Son exuvie est bien exposée mais elle s’est juste rajeunie pour être plus impressionnante. La françafrique est un système qui se réinvente mais qui ne meurt pas depuis des siècles. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » voudrait le prouver à travers ce qui suit qui va porter sur les origines lointaines et les leviers contemporains de l’ogre françafricain qui ne veut pas mourir malgré les siècles qui passent.
Les origines lointaines de la françafrique comme modèle de gestion des territoires sous contrôle
L’histoire réelle de la françafrique n’a pas débuté avec la période coloniale. Ses débuts remontent au temps de l’esclavage. Ce que nous appelons aujourd’hui françafrique est une philosophie politique et un mode de penser les rapports politiques, économiques, diplomatiques, militaires, culturels, etc. entre la France et les territoires qu’elle contrôle. Les débuts de la françafrique coïncident avec une histoire glorieuse des esclaves noirs, la première victoire nègre à l’île de Saint-Domingue qui a vu la proclamation de l’indépendance d’Haïti en 1804. Des années après sa défaite militaire à la bataille de Vertières, la France, en 1825, envoie un corps expéditionnaire contre la nouvelle république haïtienne et exige, au risque d’envahir l’île, des dédommagements aux anciens colons ayant perdu leurs plantations et leurs esclaves noirs (considérés alors comme leurs propriétés selon le code noir) avec la proclamation de l’indépendance en 1804. Les haïtiens contractent des dettes auprès des banques françaises pour payer 150 millions de francs à l’Etat français, soit le budget annuel de la France de l’époque et tombent dans la misère. Cette rançon est renégociée, en 1838, à 90 millions après le traité dit « Traité de l’amitié » (Thélyson Orélien, 2015) et en intégralement payée en 1883. Les intérêts de cette dette courront jusqu’en 1952. En s’émancipant de la tutelle française, la république d’Haïti venait d’être contrainte de signer un bail de longue durée avec la misère. La France venait aussi de découvrir comment tenir par la bourse ses anciennes colonies et contrôler indirectement leur développement. Cet essai concluant sera réédité des années plus tard, cette fois, avec les anciens négriers.
Après l’abolition de l’esclavage en 1848, la France fait payer des dédommagements aux anciens propriétaires d’esclaves. Pour le recouvrement des fonds et le paiement de ces dédommagements, la Banque du Sénégal est créée en 1853, l’ancêtre de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) était ainsi né, et des conquêtes territoriales et des activités de traitants qui achètent des produits tropicaux et vendent des produits manufacturés issus d’Europe sont lancées dans toute l’Afrique avec les prêts accordés. L’exploitation des territoires conquis devait servir à mobiliser les ressources attendues. La banque est dotée du pouvoir de l’émission de billets de banque. Devenue Banque de l’Afrique occidentale (BAO) « des parts bénéficiaires sont créées au profit de l’Etat français qui perçoit une redevance sur la circulation » de la monnaie. Comme l’on le voit, le mécanisme est ancien.
Ce contexte de gestion des colonies, ajouté aux difficultés survenues après la seconde guerre mondiale, a présidé à la mise en place du franc CFA créé le 26 décembre 1945. Il s’agissait de « protéger l’économie française des instabilités dues à la Seconde Guerre mondiale et de se protéger de la fuite des capitaux » en empêchant les opérations commerciales et financières en d’autres devises. Ce sont là des invariants du franc CFA.

Le levier du franc CFA
Le franc CFA n’est pas une monnaie africaine. Par son histoire, par ses mécanismes, par les textes législatifs qui l’encadrent, le franc CFA est un outil de la politique étrangère française et un instrument de sa souveraineté. C’est pourquoi aucun Etat occidental ne le dénonce d’autant plus que les pays africains sont considérés comme des territoires politiques de la France. Il revient aux africains de le dénoncer. C’est donc une monnaie française louée en quelque sorte aux africains d’autant plus qu’ils n’ont pas l’autonomie initiative en matière monétaire et n’ont pas l’initiative des lois qui l’encadrent. De ses origines à nos jours, tous les décrets et les lois qui concernent cette monnaie sont pris par le gouvernement français et votées par l’Assemblée nationale française qui est le détenteur exclusif de la souveraineté du peuple français.
Le franc CFA, quoi qu’on en dise, en ce qui concerne ses avantages relatifs, est un instrument de souveraineté du peuple français, un instrument d’unification de la communauté francophone financière d’Afrique et un symbole de la puissance française, de sa grandeur et de son rayonnement international. Tout ce qui concerne le franc CFA est décidé à Paris. Son baptême en ECO n’a rien changé aux principes sur lesquels il repose. Ce baptême entériné par l’Assemblée nationale française le 20 mai 2020 est, d’ailleurs, l’ultime tentative de sauver les accords de coopération monétaire entre la France et les pays de l’UMOA.
Bien qu’il y ait eu une réforme des instances et du fonctionnement de la Zone franc en UMOA suivant les quatre axes déclinés dans le projet de loi y afférent : (i) le changement de nom de la devise, (ii) la suppression en 2020 de l’obligation de centralisation des réserves de change sur le compte d’opérations au Trésor français, (iii) le retrait de la France des principales instances de décisions de la Zone et (iv) la mise en place concomitante de mécanismes de dialogue et de surveillance des risques ad hoc, l’ECO-CFA reste outrageusement avantageux à l’économie française. Car ses entreprises bénéficient gratuitement de cette authentique assurance à l’encontre des fluctuations monétaires susceptibles d’affecter leurs marges. La fin du compte d’opérations et le nouveau rôle de garant financier de la zone exercé par la France sont des ruses.
Par exemple, pour le rôle de garant, il faut retenir que, selon l’article 8 de la nouvelle réforme, lorsque le montant des avoirs extérieurs de la BCEAO et le montant moyen des engagements à vue devient inférieur ou égal à 20%, le garant désigne un représentant du Comité de politique monétaire pour gérer la crise. Dans les faits, le gouvernement français ne provisionne jamais en vue d’honorer sa promesse de garantie de convertibilité parce qu’il compte sur la solidarité instaurée entre Etats africains via la centralisation de leurs réserves de change. La France garantit donc un risque déjà supporté par la solidarité des Etats membres de l’UMOA. Les pays africains de la zone franc n’ont pas également besoin d’une garantie française pour donner de la crédibilité à leurs monnaies.
Par ailleurs, le départ des deux (2) français dans le conseil d’administration de la BCEAO est remplacé par des « experts internationaux », selon l’article 4 du nouvel accord. Il est clair que le choix de ces experts reste fortement influencé par la France. Le départ de deux français est donc remplacé par l’intervention d’un autre expert français. Du coup, rien ne change, rien ne bouge ; tout se transforme simplement. L’on se dribble en se faisant la passe à soi-même, telle est la logique. Les changements sont plutôt cosmétiques pour séduire et tromper. Il s’agit de faire sa mue pour se donner une nouvelle peau, de nouveaux atours séducteurs et trompeurs mais sans changer fondamentalement sa nature et son essence. C’est une technique éculée qui est bien maîtrisée par l’élite politique française de la cinquième République.

Le levier des accords de défense et d’assistance militaire technique
Les accords de défense et d’assistance militaire technique rebaptisés en 2021 en accords de partenariat de défense, avec 21 accords de coopération militaire et 11 accords de défense, permettent à la France de préserver ses intérêts stratégiques, d’aider les pays africains en cas d’agression extérieure, de garder le contrôle sur ses anciennes colonies et d’avoir le contrôle des matières premières et produits stratégiques issus de ces zones. N’est-ce pas une forme de prédation institutionnalisée depuis les indépendances africaines et dénoncée justement par le député Paul Cermolacce le 19 juillet 1961 à l’occasion de la 44e séance du parlement français, pratique qu’il trouvait, d’ailleurs, criminelle ? Ses dénonciations restent d’actualité et résonnent comme des dénonciations d’africains. Finalement, rien n’a jamais changé dans le système des années après et, le fait de coller à d’autres Etats du monde relativement récente en Afrique une pratique ancienne et bien maîtrisée par soi-même est une distorsion de la réalité qu’on range dans les techniques de manipulation des masses propres à la propagande. Il s’agit, avec cette technique, de construire dans l’imaginaire général la croyance que l’on souhaite voir se développer. Mais, pour l’intelligence de ces propos, il vaut mieux écouter la prise de parole courageuse, lucide et prospective du député Paul Cermolacce en 1961.
Pour lui, « ces accords constituent un nouveau compromis visant à maintenir par des moyens détournés l’essentiel des privilèges colonialistes, tout en s’efforçant de sauver la face aux yeux des peuples en cause ». Il termine son intervention en disant : « Les peuples d’Afrique, croyez-nous, ne sont pas dupes ; ils ne sont pas non plus crédules à l’égard de certains dirigeants africains qui se font les auxiliaires du colonialisme nouvelle forme ; ils aspirent à une véritable indépendance sans restriction ni arrière-pensée. […] Notre position est claire : nous sommes pour de véritables rapports de coopération qui ne peuvent se concevoir et être durables sans une totale indépendance ».
Que disent les accords de défense des débuts des indépendances ?
En leurs annexes, les dits accords stipulent que les pays africains facilitent au profit des forces armées françaises le stockage des matières premières et produits stratégiques que sont les hydrocarbures liquides ou gazeux, l’uranium, le lithium, le béryllium, le thorium, leurs minerais et composés ; la liste pouvant changer avec l’ajout de nouveaux minerais. Lorsque les intérêts de la défense l’exigent, les pays africains limitent ou interdisent leur exportation à destination d’autres pays. Les pays africains réservent par priorité leur vente à la République française après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure et s’approvisionnent par priorité auprès d’elle. Les pays africains informent la République française de la politique qu’ils sont appelés à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques et des mesures qu’ils se proposent de prendre pour l’exécution de cette politique. La République française est tenue informée des programmes et projets concernant l’exportation hors de leurs territoires des matières premières et des produits stratégiques énumérés. C’est ce que stipulent les accords de défense de 1961 signés entre la France et certains pays africains. Comment peut-on qualifier cela s’il ne s’agit pas d’une prédation confiscatoire institutionnelle ? A-t-on évolué sur ces questions avec les nouveaux accords de défense de la décennie 2010 à 2020 ? Seuls les acteurs concernés pourraient nous en informer davantage. L’on comprend pourquoi ces accords de défense et les autres accords coloniaux sont attaqués et dénoncés actuellement par des Etats africains. Ces dénonciations, à l’évidence, leur permettent d’avoir une autonomie initiative et de jouir de leur souveraineté confisquée.
A l’analyse, le format du nouveau partenariat décliné par le Président français répond plus aux intérêts de la France qu’à ceux des africains, même s’ils donnent l’air de répondre aux besoins de formation des armées africaines. Ses propos trouvent leur écho dans le Livre blanc adopté en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy dans lequel était avancée l’idée d’« une relation de coopération nouvelle ne reposant plus sur l’assistance militaire, mais sur un partenariat de défense et de sécurité ». On serait tenté de dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Le partenariat brandi par le Président Macron n’est pas une conception nouvelle. La question relative à la suppression des bases militaires françaises sur le sol africain n’est pas non plus, elle aussi, nouvelle.
Déjà en 1975, au Niger, le président d’alors Séyni Kountché avait déclaré ce qui suit : « la suppression du point d’appui français de Niamey était devenue indispensable. Cette présence étrangère constituait un anachronisme et était incompatible avec l’exercice complet de notre souveraineté car, pour assurer sa défense, il n’est pas concevable qu’un État ait recours à d’autres forces armées que les siennes ». Son successeur lui emboitera le pas en arguant que « le stationnement de troupes étrangères sur le territoire d’un pays constitue une atteinte à sa souveraineté ». Le 1er août 2010, le président tchadien Idriss Déby dénonçait, à son tour, la présence militaire française sur le sol de son pays.
Comme le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » le constate, les préoccupations sont anciennes, posées par les africains de façon cyclique. Mais la France a toujours compté sur des changements de pouvoir pour que soient étouffées par d’autres africains toutes velléités populaires et institutionnelles de changer de logiciel. C’est ainsi que le système s’est, chaque fois, donné de l’air et a maintenu le statu quo pour échapper aux rendez-vous de l’histoire. Quand l’on demande au système d’opérer des transformations en profondeur, il opère des réaménagements cosmétiques pour ne rien changer dans le fond. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », l’ère de la françafrique n’est pas révolue. La françafrique s’est rajeunie pour devenir plus séduisante. Il y a beaucoup d’incantations pour peu d’effet en réalité.

Le rôle politique de la France en Afrique
La France prétend ne plus être l’assurance vie pour régler les problèmes politiques en Afrique. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » en prend acte et espère que le Président français ne jouera pas les directeurs de campagne France chargé de justifier et d’expliquer auprès de l’opinion publique française les choix contraints des mandats successifs en Afrique au-delà des deux mandats constitutionnels. La France dit soutenir en Afrique la démocratie et la liberté et dit qu’elle est un pays qui parle à tout le monde, y compris aux opposants politiques, un pays qui préfère les institutions solides aux hommes providentiels. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » ne demande qu’à voir la correspondance entre les paroles et les actes d’autant plus que la logique brandie est plus celle du faire-croire pour persuader et modifier l’opinion et/ou les croyances que celle du vécu. Le vice de rhétorique relatif à la pétition de principe décrédibilise les propos avancés. Les défilés d’opposants au Quai d’Orsay pour se faire adouber n’est pas un dialogue avec l’opposition africaine d’autant plus que ces rencontres n’influencent pas notablement la gouvernance des régimes absolutistes qui sont souvent les grands amis des réseaux françafricains.
La France dénonce les répressions et emprisonnements d’opposants dans certains pays comme l’Iran et la Biélorussie, pour citer des exemples récents qui ont nourri l’actualité, mais observe un mutisme quasi religieux lorsque des pouvoirs africains qui lui sont acquis font pareil ou pire. En effet, en Afrique, ce qui est qualifié ailleurs de « condamnation à motivation politique » est légion dans de nombreux pays dirigés d’une main de fer par des chefs providentiels qui se sont assujettis toutes les institutions au point que même celui qui proclame les résultats des élections est leur obligé.
L’expérience a, pourtant, montré que lorsqu’il s’agit de pouvoirs non amis ou jugés infréquentables, tout l’appareil médiatique et diplomatique est déployé et procède à un lynchage et un harcèlement constants pour obliger ces pouvoirs à respecter les libertés et les normes démocratiques. Cette logique de deux poids deux mesures, les populations africaines ne la connaissent que trop bien. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », comme de nombreux africains, reste donc perplexe quant aux positions défendues par le Président français alors qu’il marche dans les pas de ses prédécesseurs.
Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » constate que de nombreux présidents africains supposément « amis de la France » sont candidats à leur propre succession dans des élections présidentielles dans les temps à venir. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » pense que la posture affichée vise plutôt à ne pas contrarier ces « amis » qui pourront alors faire ce qu’ils veulent de ces élections et de leurs adversaires. Par cette attitude de non-ingérence proclamée, la France se prémunie déjà contre les critiques à venir des oppositions africaines qui pourraient l’accuser de non-assistance à démocratie en danger.la parade est fine, intelligente et préactive.
On ferme les yeux et on déclare se tenir loin quand il s’agit de pouvoirs amis. On rouspète, on grommelle, on critique, on brandit les violations des droits humains et le déni de démocratie quand il s’agit de pouvoirs jugés non amis. Le logiciel français est trop bien connu des africains qui ne se laissent plus prendre à défaut. Il fut un temps où la France faisait et défaisait ouvertement des chefs d’Etat africains. Puis, son coup de pouce est devenu plus subtil via les réseaux économiques de la françafrique qui avaient leur candidat. La pratique a-t-elle changé ? La France a-t-elle abandonné sa logique de contrôle du pouvoir local qui est un instrument de géopolitique pour elle ?

Mise en perspective
Le Président Emmanuel Macron prétend que l’ère de la françafrique est révolue. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » lui répond avec force détails que, sous lui comme sous ses prédécesseurs, l’empire ne veut pas mourir et fait tout pour se rajeunir sans perdre sa nature et ses principes de domination et d’exploitation. L’on comprend qu’il ne voudrait pas porter sur sa conscience le poids de cette catastrophe nationale pour la France si l’empire venait à mourir sous lui. Il revient donc aux africains d’être intelligemment à l’initiative après avoir pris la pleine mesure de la situation et de proposer leur modèle à eux.
Malgré les jugements d’éuphémisation pour minorité le poids de l’Afrique dans le dispositif économique, militaire et diplomatique français, on ne voit pas la France plier bagage. Bien au contraire, elle s’accroche de plus belle et se montre même imaginative. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » trouve quand même curieux de jouer des coudes et de fournir tant d’efforts pour ce qui est insignifiant, dérisoire, à moins qu’il ne s’agisse encore de ces manœuvres sophistiques dont certaines personnes au sein des élites françaises ont le secret. La panique non dissimulée devant les poussées russe, turque et chinoise que certains régimes africains utilisent comme instruments de rééquilibrage stratégique vis-à-vis de la France n’a donc pas lieu d’être, en principe, si l’on s’inscrit dans la logique de ceux qui utilisent les jugements d’euphémisation pour amener les africains à baisser la garde. La réalité est, cependant, toute autre.
La France a besoin de l’Afrique pour survivre parmi les grandes nations de ce monde. Mais l’Afrique peut survivre dans ce monde sans la France. L’échec des pays africains est aussi l’échec systémique de la France et de son standard, avec une double erreur stratégique et de vision sur l’Afrique. La responsabilité de cette situation est également partagée à une plus grande échelle par les peuples africains et leurs dirigeants dont certains n’ont pour seul projet de société que d’accumuler les mandats présidentiels au profit de leur camp et de leur tribu en verrouillant le jeu démocratique pour empêcher toute possibilité d’alternance politique.
La France ne peut faire autrement que ce qu’elle fait actuellement au risque de connaître un dépérissement certain et un déclin dans les relations internationales. Il est vain, en réalité, de lui demander de faire autre chose, de se mettre à réfléchir et bâtir un nouveau système hors du schéma psychologique et politique de la suprématie du Nord sur le Sud africain. Le confort du système actuel satisfait à ses ambitions géopolitiques et géostratégiques. L’élite politique française, depuis des générations, a bâti la grandeur de la France sur le système de domination et d’exploitation, certaines personnes parleraient de prédation, des territoires africains naguère conquis. C’est un poids historique important dont les africains sont loin d’en mesurer la portée et l’intérêt pour les dirigeants français quelles que soient leurs générations, actuelles comme futures. Le confort acquis s’est assimilé à un confort de rente. Il est donc inconcevable pour les dirigeants français que le système prenne fin aussi facilement. Ce serait bien naïf d’y croire et de penser que l’initiative de sa mise à mort viendrait de leur part. C’est aux africains qu’il revient de lui proposer une alternative crédible qui satisfasse aussi bien les intérêts français que les intérêts stratégiques africains dans un monde où le développement repose sur l’ouverture à tous.
Nul sur terre ne se fait hara-kiri. Les Etats martyrs n’existent pas. Le paradis des Etats n’est pas au ciel ; il est dans le présent et dans le quotidien des peuples. Les élites africaines n’ont, malheureusement, pas encore mesuré le poids des efforts à fournir et des sacrifices à faire pour exister dans ce monde où les rôles semblent préétablies et ne veulent pas changer, sinon l’on ne vivrait pas les turbulences que nous connaissons actuellement et dont le seul objectif stratégique, malgré les discours trompeurs qui les habillent, est de chercher à repousser à plus tard des fins de règne inéluctables après l’atteinte de l’apogée. Il faut obliger ceux qui constituent un défi systémique à s’engager dans des guerres d’attrition qui les fera consommer leurs ressources et dépérir. Partout, sur terre, les empires ne veulent pas mourir. Cette logique n’est pas que française. Les africains devraient en être avertis.
Il faut aussi tenir compte de ce que la domination des Etats africains par la France fait partie des invariants de l’ordre mondial établi depuis des lustres sans les africains et qui ne peut accepter qu’un vide perturbateur s’installe en son sein. Dans sa lutte, l’Afrique est quasiment orpheline, surtout que les exemples asiatiques restent toujours en travers de la gorge du monde occidental qui ne peut, en aucun cas, accepter qu’émerge une Afrique forte, maîtresse de son destin et de ses immenses ressources minières et énergétiques convoitées par tous. Malgré les approches diversifiées, le monde occidental restera sans nul doute solidaire de la France avec qui il a un destin et une vision stratégique communs de domination du reste du monde regardé souvent de haut. Ce n’est pas maintenant, avec une hégémonie vacillante qui le rend plus rageur, qu’il accepterait de changer de paradigme.
La France est une clé du monde actuel. L’Afrique est une clé du monde à venir. Les défis qui les attendent individuellement et collectivement sont nombreux. Deux voies s’offrent à elles pour résoudre leurs différends : la coopération intelligente pour un partenariat gagnant-gagnant et sans ruse ou l’affrontement meurtrier dans lequel chacun devra accepter d’en payer le prix.
Il faut noter que tant que les pays africains ne joueront pas un rôle croissant au niveau mondial, il leur sera difficile d’exiger une révision en profondeur des relations avec la France. Il revient aussi à la France de desserrer l’étau au niveau de ces pays et de comprendre que, face à la politique de désindustrialisation inéluctable de l’Europe (elle est déjà actée et va s’accélérer), elle ne pourra avoir un second souffle qu’en encourageant l’industrialisation des pays africains qui va au-delà de la couverture de leurs besoins locaux et sera tournée vers l’exportation.
Les africains ont plus que jamais besoin d’Etats stratèges pour amorcer le développement économique du continent en créant des filières d’avenir. Il faut sortir de la logique coloniale d’importation de biens et services et de prédation sur les ressources minières et énergétiques des pays africains. Mais, pour y arriver, ces pays devront revoir leur système éducatif pour produire la main d’œuvre appropriée à cette industrialisation.
Ils devront aussi revoir leur système économique et monétaire pour qu’il participe à l’effort général. Le franc CFA, dans sa forme actuelle, ne peut conduire les Etats africains vers ces rivages heureux du développement industriel. Le défi de sa transformation est collectif. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », en lieu et place de l’ECO-CFA, une chance devrait être donnée à l’ECO d’être viable. La France doit également aider à changer cette image qui lui colle à la peau depuis toujours dans l’imaginaire général africain et qui explique son rejet passionné par certains africains, à savoir que là où elle met les pieds s’installe la misère alors que certaines grandes nations dans le monde ont contribué à créer des richesses partagées, en participant à la transformation de nations exsangues du fait de la guerre en des nations prospères des décennies plus tard.
Africains et français sont condamnés à regarder dans la même direction dans l’intérêt bien compris de chacun et de tous. Le nouveau monde est en train de se dessiner sous nos yeux et il ne faut pas manquer d’être à l’heure au départ de son train. Avant l’année 2100 (pour un optimisme de long terme), le monde sera plus stable et de nouvelles polarités vont se créer. L’Afrique, avec les partenaires qui accepteront de l’accompagner dans sa nouvelle aventure, devra chercher à être une puissance d’équilibre entre ces différentes nouvelles polarités.
Fait à Abidjan, le 9 mars 2023.
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».

Le Président
Pr. Séraphin Prao

 

CAM

@abidjannews2

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