Côte d’Ivoire : l’Ordre des Architectes alerte sur la prolifération des écoles d’architecture non agréées
Réunis ce mardi 14 octobre 2026, à la Maison de l’Architecture d’Abidjan, les membres du Conseil national de l’Ordre des Architectes de Côte d’Ivoire (OACI) ont tenu une conférence de presse consacrée à un sujet devenu préoccupant : la multiplication d’écoles privées se réclamant de la formation en architecture, souvent sans autorisation légale ni conformité académique.
Cette rencontre, présidée par M. Joseph Amon, président de l’OACI, a réuni plusieurs figures de la profession, dont Mme Martine Dakoury-Tabley, vice-présidente de la Maison de l’Architecture, M. Koupô Gnoléba, vice-président du Conseil national, le Dr Paul Blanchard Aké, expert et membre du comité de validation des curricula de l’espace UEMOA et bien d’autres experts de la profession.
Une formation à encadrer pour protéger la qualité architecturale
Dans son allocution d’ouverture, M. Joseph Amon a d’abord rappelé le cadre normatif et les exigences de la formation en architecture :
« En Côte d’Ivoire, seules deux écoles officiellement reconnues forment aux métiers de l’architecture et de l’urbanisme : l’École d’Architecture d’Abidjan (EAA) et l’École Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Bondoukou. Ces établissements dispensent un enseignement conforme aux directives de la Charte UIA-UNESCO et au système LMD. »

Le président de l’OACI a tenu à souligner que la création d’une école d’architecture obéit à des conditions strictes : étude de faisabilité, accréditation officielle, corps professoral qualifié, ressources matérielles adéquates et surtout validation par les autorités compétentes, notamment le ministère de l’Enseignement supérieur et l’Ordre professionnel.
Or, face à la prolifération d’écoles privées non agréées, l’Ordre s’inquiète d’un affaiblissement de la qualité architecturale, pourtant reconnue par la loi comme « d’utilité et d’intérêt publics ».
« La formation en architecture ne saurait être improvisée, ni transformée en simple produit commercial. Une école en architecture n’est pas forcément une école d’architecture. Ce glissement sémantique trompe la jeunesse et met en péril la profession tout entière », a insisté M. Amon.
Le diplôme d’architecte : un titre protégé par la loi
Le président de l’OACI a rappelé que le diplôme d’architecte est un titre d’État, au même titre que ceux de médecin ou d’avocat. Seuls les diplômés des écoles agréées, après un stage obligatoire et la prestation de serment devant l’Ordre, peuvent légalement exercer.
« Porter le titre d’architecte sans en avoir le droit est une infraction. L’État doit veiller à protéger ce titre et à garantir l’intérêt public qui s’y rattache. »
Il a aussi précisé que les licences et maîtrises délivrées par certaines écoles privées ne correspondent en réalité qu’à des diplômes professionnels (Licence-Pro, Maîtrise-Pro) et ne permettent pas l’inscription au tableau de l’Ordre.
Cette confusion, souvent entretenue à dessein, expose les étudiants et leurs parents à des désillusions, croyant obtenir un diplôme d’architecte reconnu.

Le rôle de l’OACI : sensibiliser et encadrer
Intervenant à son tour, M. Koupô Gnoléba, vice-président du Conseil national, a précisé la démarche de l’Ordre :
« Notre rôle n’est pas répressif. Nous n’avons pas vocation à fermer des établissements, mais à signaler leur existence illégale à l’autorité de tutelle. Notre mission est avant tout de sensibiliser et d’alerter afin que des mesures soient prises pour réguler ce secteur. »
La formation en architecture : un équilibre entre théorie et pratique
Pour Mme Martine Dakoury-Tabley, vice-présidente de la Maison de l’Architecture d’Abidjan, une véritable école d’architecture se distingue par la présence d’un atelier de projet, cœur de la pédagogie architecturale :
« L’atelier d’architecture, encadré par des architectes agréés, permet d’apprendre à concevoir, à créer et à penser l’espace. C’est la matière fondamentale qui fait toute la différence entre une école reconnue et un simple institut de formation. »
Elle a rappelé que l’OACI n’est pas opposé à la création d’écoles privées, à condition qu’elles soient agréées et qu’elles collaborent avec l’Ordre pour élaborer leurs maquettes pédagogiques, comme cela a été le cas pour l’EAA et l’École nationale de Bondoukou.
Une formation encadrée dans l’espace UEMOA
Le Dr Paul Blanchard Aké, membre du comité de validation des curricula de la Conférence des Ordres des Architectes de l’espace UEMOA, a rappelé le cadre régional de référence :
« Nous avons élaboré une valise pédagogique conforme à la Charte UIA-UNESCO. Elle définit le profil de sortie de l’architecte, les matières à enseigner, les volumes horaires et le rôle des stages pratiques à chaque niveau du cursus. La formation d’un architecte repose sur un équilibre entre l’enseignement académique et la pratique professionnelle. »
Préserver l’avenir de la profession
En conclusion, M. Joseph Amon a exhorté les parents et les jeunes étudiants à la vigilance :
« Vos enfants doivent fréquenter les vraies écoles d’architecture, reconnues par l’État et l’Ordre, afin que nous ayons demain des architectes compétents, engagés et au service du développement harmonieux de notre pays. »
L’OACI appelle l’État à renforcer son encadrement du secteur et à promouvoir une École nationale d’architecture et d’urbanisme forte, capable de garantir la qualité, la rigueur et la reconnaissance des diplômes délivrés.
« Le diplôme d’architecte est et doit rester une prérogative de l’État. Nul ne peut s’en prévaloir impunément. »
En somme, cette conférence de presse a sonné comme un appel à la responsabilité collective : celle des autorités, des promoteurs d’écoles, mais aussi des familles, pour préserver la crédibilité d’une profession essentielle à la construction du patrimoine bâti et à la planification urbaine de la Côte d’Ivoire.
CAM