Professeur PRAO Yao Séraphin, Maître de Conférences Agrégé en économie, enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké s’est prononcé sur les vraies conséquences économiques des élections à travers une interview qu’ abidjannews à reçu une copie dont nous vous livrons la teneure.
Question 1 : 2025 est une année électorale, dans quelles mesures ces élections peuvent influencer la stabilité économique?
Réponse :
Notons qu’en économie, l’économiste Nordhaus (1975) a été le premier à décrire un cycle conjoncturel politique au moyen d’un modèle formel. Selon son hypothèse, un gouvernement veut obtenir le meilleur score possible lors du prochain scrutin. Les gouvernements tiennent à ce que l’économie soit en pleine forme durant les années électorales. Ils ont donc tendance à influencer la conjoncture de telle manière que les taux de chômage et le renchérissement soient faibles à la veille d’un scrutin. Une fois élu, il s’efforce d’abord d’augmenter le taux de chômage, afin de réduire l’inflation. Ensuite, il le fait de nouveau régresser jusqu’à l’échéance électorale. Ainsi, ce n’est pas seulement le chômage qui atteint un niveau très bas au moment de se rendre aux urnes, mais également le taux d’inflation, car celui-ci réagit avec un certain décalage. Cela peut se répéter d’une législature à l’autre. C’est pourquoi on parle de fluctuations conjoncturelles d’origine politique. Dès lors, les cycles politiques peuvent avoir un impact sur la stabilité économique en créant des périodes d’expansion suivies de récessions. Des politiques économiques instables ou perçues comme étant influencées par des considérations politiques peuvent entraîner une perte de confiance des investisseurs et des citoyens, ce qui peut nuire à la croissance économique à long terme.
De façon pratique, les élections peuvent avoir plusieurs effets sur l’économie d’un pays.
Les élections peuvent augmenter les dépenses publiques de l’Etat
Les économistes ont démontré que des politiques erratiques en matière de fiscalité et de dépenses publiques étaient préjudiciables à la croissance à long terme et au bien-être global d’une société. En effet, les élections peuvent être l’une des sources de volatilité de la politique économique. En s’efforçant d’être réélus, les sortants peuvent en manipuler les instruments. Entre autres choses, ils augmentent les dépenses publiques et provoquent des déficits budgétaires dans le but de stimuler la demande globale et de créer des emplois (même temporairement), améliorant ainsi leurs chances d’être élus.
Les élections peuvent compromettre également la croissance à long terme
Les excès préélectoraux peuvent être suivis d’un réveil difficile. Les gouvernements doivent souvent adopter des plans d’austérité pour compenser leur prodigalité préélectorale. Ce cycle expansion–récession d’origine politique risque de nuire à la croissance économique à long terme et à la stabilité.
Dans l’année précédant l’élection, les dépenses courantes et les déficits augmentent. Ensuite, pour reconstituer les amortisseurs qu’ils ont épuisés, les gouvernements diminuent les dépenses d’investissement et relèvent certains impôts. Mais il existe deux freins éventuels à la possibilité pour les sortants d’appliquer un programme budgétaire à motivation politique en année électorale : les règles budgétaires, qui fixent des objectifs clairs, et les programmes du FMI, qui en comprennent aussi. Nous avons constaté que tous deux atténuaient sensiblement le cycle budgétaire politique.
Les élections peuvent rendre les économies en développement plus vulnérable à des évolutions négatives
À cause de l’insuffisance des moyens institutionnels et de la transparence budgétaire, les sortants risquent davantage de se servir de la politique budgétaire pour être réélus. En utilisant les amortisseurs budgétaires en période d’élection, les pays à faible revenu rendent leur économie encore plus vulnérable à des évolutions négatives et limitent leur capacité de réaction à des chocs externes tels qu’une variation soudaine des prix des produits de base. Il est donc important de mieux comprendre les cycles budgétaires préélectoraux dans ces pays et de rechercher les moyens d’atténuer cette forme de volatilité.
La période postélectorale peut se caractériser par une augmentation de la fiscalité
Nous avons remarqué que les gouvernements s’efforçaient d’augmenter sensiblement les rentrées fiscales après une élection, mais selon des modalités susceptibles de pénaliser l’économie. En effet, en décomposant les recettes fiscales totales, les études montrent que, dans les pays à faible revenu, le produit des taxes sur les échanges (importations ou exportations) augmente après les élections, les gouvernements tentant de reconstituer leurs amortisseurs budgétaires entamés, et ce, bien que l’arrêt de la poussée préélectorale des dépenses fasse souvent baisser les importations. Le recours aux taxes sur les échanges résulte sans doute de leur relative facilitée de recouvrement dans les pays à faible revenu, où il est souvent plus difficile que dans les pays avancés ou émergents de mobiliser des recettes, surtout des impôts intérieurs. Mais une hausse sensible des taxes sur les échanges peut affaiblir la compétitivité externe d’un pays et donc sa croissance économique à long terme.
Les élections peuventt engendrer une instabilité financière
L’incertitude politique est l’un des facteurs qui influencent les marchés financiers lors des élections. Avant les élections, les investisseurs peuvent adopter une attitude attentiste, ce qui entraîne souvent une baisse des volumes de transactions et une possible augmentation de la volatilité. Cette prudence s’explique par la difficulté à prédire les résultats électoraux et leurs conséquences économiques. Cela conduit donc à des mouvements de prix plus erratiques. Avant les élections, cette situation est fréquente car les investisseurs attendent de voir le résultat avant de s’engager pleinement sur le marché. Par exemple, les élections présidentielles françaises de 2017 ont été marquées par une forte incertitude, en partie à cause de l’émergence de candidats non traditionnels comme Marine Le Pen. Durant cette période, l’indice CAC 40 a connu des fluctuations importantes, reflétant les craintes et les espoirs des investisseurs quant aux orientations économiques futures du pays. Notons que la bourse est le thermomètre le plus rapide quand survient un choc politique. Rien de plus simple que de vendre une action.
Les violences électorales affectent négativement les agrégats macroéconomiques
Théoriquement, les violences électorales affectent négativement les agrégats macroéconomiques des pays. Les conflits violents réduisent les échanges commerciaux en perturbant les flux d’investissements directs étrangers, en augmentant les coûts commerciaux, en détruisant les infrastructures, en perturbant l’approvisionnement en pétrole et en réduisant l’accès aux activités et aux intrants agricoles. Cependant, les effets des violences électorales varient d’un pays à l’autre, avec un impact négatif important dans les pays enclavés. C’est pourquoi, il est bon de créer un climat paisible avant, pendant et après les élections. Dès lors, le besoin de paix et de sécurité semble être un facteur très important pour le développement économique durable des pays. Les pays africains devraient donner la priorité au maintien de la paix et de la sécurité dans la région, un pilier du développement durable. Cela nécessitera des faits concrets ambitieux, à la fois nationaux et régionaux, car l’effet de contagion de l’instabilité est plus élevé pour ceux qui sont en union monétaire.
Question 2 : Comment les incertitudes liées aux résultats des élections affectent-elles les décisions d’investissement et la confiance des entreprises et des consommateurs ?
Réponse :
En considérant que les capacités de production ne sont pas saturées, et que le marché existe, deux éléments sont utiles dans la décision d’investissement : l’état de la confiance en l’avenir et les conditions de financement. En effet, en premier lieu, le climat de confiance ou de méfiance en l’avenir dans lequel évoluent les entrepreneurs. Cette dimension socio-psychologique renvoie à ce qu’une économiste keynésienne nommait « l’esprit animal des entrepreneurs » pour évoquer un certain instinct grégaire. Bien qu’assez peu rationnelle, cette variable pèse souvent lourd. On comprend ainsi l’acharnement que mettent les différents gouvernements à convaincre les entrepreneurs que la conjoncture leur sera favorable et qu’ils peuvent avoir confiance. Or, les élections entraînent toujours des craintes en Afrique, ce qui diminue la confiance des potentiels investisseurs dans l’avenir. Du coup, les anticipations d’investissements baissent fortement. Généralement, lorsque l’installation du capital productif est irréversible et les profits incertains, il peut être profitable pour les entreprises d’attendre avant d’investir car chaque instant écoulé apporte des informations sur les états futurs. Ce constat très simple peut modifier de manière importante le seuil de rendement requis pour investir, mais également la dynamique de l’accumulation du capital et la valorisation des entreprises par le marché. L’investissement a donc une option d’attente, surtout en période d’incertitude comme les élections.
En second lieu, l’accès au crédit est un frein à l’investissement en période électorale. Trop souvent, nous oublions que la dynamique économique ne repose pas uniquement sur les grandes politiques économiques, mais surtout et d’abord sur les acteurs économiques eux-mêmes, tous ceux qui font le choix d’entreprendre et d’innover, comme l’expliquait Joseph Schumpeter il y a un siècle. Or, le financement est un élément important dans la décision d’investir. Les banques et les marchés boursiers marquent une certaine prudence en période électorale, ce qui pousse à la hausse d’ailleurs, les taux d’intérêt. Et pourtant, l’endettement contribuant à financer l’investissement, il vaut mieux que le taux d’intérêt (coût de l’endettement) soit inférieur au taux de profit, il s’agit du taux d’intérêt réel (taux nominal diminué de l’inflation). Si le taux d’intérêt est supérieur à la rentabilité économique, l’entreprise a intérêt à se désendetter ou à placer son épargne. Un taux d’intérêt réel élevé décourage plutôt l’investissement des entreprises. Les périodes d’incertitudes sont généralement marquées par des taux d’intérêts élevés, décourageant ainsi la décision d’investir.
Cependant, la réalité est parfois contraire aux prédictions théoriques. L’imminence des élections n’a que peu d’effets sur certaines contraintes liées à l’investissement. Ainsi, le niveau élevé du taux d’imposition, perçu comme une contrainte de premier plan pour la plupart des entreprises, est peu sujet au cycle électoral. Par ailleurs, les périodes de tensions politiques peuvent être caractérisées par une détérioration des communications, à l’image des coupures d’internet survenues lors des élections et utilisées par le pouvoir en place pour limiter la diffusion d’informations et les contestations. Néanmoins ces situations sont insuffisamment fréquentes ou « impactantes » pour les entreprises pour qu’elles constituent un obstacle significatif à leur activité.
En revanche, cinq obstacles apparaissent particulièrement sensibles à la proximité des élections : corruption, l’instabilité politique, l’accès à l’électricité, la criminalité et le transport. La corruption et l’instabilité politique augmentent significativement en période pré-électorale. Les élections sont génératrices d’incertitude et d’instabilité, et ce faisant, affectent négativement la perception des entreprises en période pré-électorale. En période post-électorale, l’instabilité peut persister, à des niveaux néanmoins réduits. Ainsi, durant le dernier semestre précédant les élections, la perception de l’instabilité politique et de la corruption augmente.
Il peut être difficile de rester à l’abri des messages négatifs qui entourent la couverture médiatique des élections. Il est naturel de se laisser émouvoir par la rhétorique des campagnes politiques. L’histoire témoigne du fait que les élections ont eu un impact évident sur le comportement des investisseurs, mais il est important que ces derniers ne laissent pas le pessimisme les détourner de leurs plans d’investissement à long terme.
Symétriquement, l’accès à l’électricité, la criminalité et le transport représentent des obstacles significativement moins sévères pour l’activité des entreprises africaines à l’approche des élections.
De même, si les élections conduisent à une crise post-électorale, alors cela pourra avoir des conséquences douloureuses pour les entreprises. Par exemple, en Côte d’Ivoire, au cours de la crise post-électorale de 2011, ce sont 238 entreprises et trois groupements professionnels qui ont subi des pertes que l’on chiffre à 568 milliards de FCFA dont 200 milliards de FCFA de dommages. On note également plusieurs pertes d’emploi. C’est pourquoi, le plus souvent, il est recommandé, pour le secteur privé, de prendre des mesures de sécurisation de ses investissements, plusieurs actions ; entre autres, la sécurisation des sites de production, des mesures préventives pour rassurer les opérateurs économiques.
3. Quelles sont les conséquences économiques d’un changement de leadership politique, surtout si le résultat des élections engendre une remise en question des politiques économiques en place ?
Réponse :
Bien que l’observation des performances économiques selon les régimes politiques et leur stabilité puisse laisser entendre un certain déterminisme politique, un schéma explicatif basé sur une causalité inverse est aussi envisageable, comme en témoigne le problème d’endogénéité des variables politiques et économiques rencontré dans des analyses transversales. Plusieurs arguments, parfois contradictoires sont avancés pour décrire l’impact du régime politique sur le développement. Si le développement des libertés individuelles stimule la croissance, en encourageant l’entrepreneuriat, il engendre un effet négatif en exacerbant les conflits de répartition des revenus et des richesses. Le multipartisme favorisant le clientélisme, se traduit par des demandes de redistribution. En réduisant l’autonomie de l’État, les libertés individuelles contraignent celui-ci à privilégier la consommation présente aux dépens de la consommation future. Selon ce raisonnement qui postule que les profits sont à l’origine de l’accumulation et par voie de conséquence de la croissance, cette dernière se trouve réduite.
Il est également remarquable de noter que les gouvernements élus ont une capacité à réformer limitée en raison de la contrainte de popularité et de réélection. Les régimes autoritaires qui échappent à cette contrainte ont plus d’autonomie pour entreprendre des réformes et de ce fait leurs actions s’inscrivent dans une perspective privilégiant la croissance à long terme.
En revanche, les régimes autoritaires lèguent à leurs successeurs une situation économique difficile qui est à l’origine de leur chute. Mais force est de constater également certaines spécificités qui conduisent non seulement à les relativiser, mais aussi à considérer la relation inverse entre le régime politique et l’évolution économique comme le font d’autres analyses qui soutiennent une causalité inverse dans le cadre d’un déterminisme économique. L’évolution du régime démocratique serait plutôt une conséquence du développement économique.
Avec ce cadre théorique, il est admis que le changement de leadership politique peut avoir des conséquences économiques.
Les élections présidentielles peuvent entraîner des changements importants dans les politiques économiques. Quand un nouveau gouvernement prend le pouvoir, il peut modifier les lois fiscales ou les réglementations, ce qui peut influencer l’économie. Penons le cas de l’élection présidentielle américaine où deux visions de l’économie s’affrontaient.
Une première vision portée par Donald Trump proposait le protectionnisme financier et la baisse des taxes. En effet, pour le candidat, il est question de faire pression sur la Fed (la Réserve fédérale américaine) pour maintenir les taux d’intérêts au plus bas afin de stimuler la croissance des entreprises. Il promettait également une baisse de 6,5 trilliards de dollars de taxes pour les individus et les sociétés, avec une préférence pour les secteurs traditionnels que sont le pétrole, la défense et les banques. Pour financer ces exemptions fiscales, Donald Trump compte sur le commerce international, avec une hausse intensive des droits de douanes. Mais ce protectionnisme pourrait réduire les emplois, en particulier dans les industries en aval, comme ce fut le cas en 2019. En effet, les sociétés Outre-Atlantique vendant des biens produits à l’aide de marchandises surtaxées à l’importation doivent augmenter leur prix de vente en conséquence afin de maintenir leur profitabilité, alors que les entreprises vendant ces biens depuis l’étranger sont exemptées de ce handicap tarifaire, et gagnent ainsi un avantage comparatif sur les firmes américaines qui se voient le plus souvent obligés de faire des économies budgétaires en licenciant une bonne partie de leurs salariés. En conséquence, le protectionnisme « Trumpiste », pour ainsi dire, s’il a la possibilité de booster les performances des marchés financiers sur le court-terme, pourrait toutefois faire planer la menace des pressions inflationnistes, puisque les barrières tarifaires feraient gonfler les prix des biens et services.
Une seconde vision portée par Kalama Harris proposait le libre-échange financier et un etat très mobilisé. La promesse était de continuer le programme initié par Joe Biden, qui consistait à accroitre les dépenses publiques afin de stimuler la croissance économique et augmenter les impôts des grandes entreprises et les hauts revenus. Une telle politique aurait eu pour conséquence un contrôle de l’inflation et de l’argent public mis à disposition pour petites et moyennes entreprises afin de garantir le plein emploi. Si la Fed jouait son rôle de contrôle de la hausse des prix et la promotion du plein-emploi, alors ces deux politiques devraient avoir un effet stabilisateur sur les rendements des obligations, rassurant les marchés et les rendant moins volatiles. De même, la vision coopérative du commerce international allait réduire les risques de crises géopolitiques et réguler les chaînes d’approvisionnement à l’échelle globale, aidant ainsi les multinationales dans le libre-échange avec une possible dépréciation du dollar. Avec une telle politique, la hausse des prix allait certainement être enrayer mais présenterait le risque de faire enfler la dette. Au niveau de l’économie durable, une taxation plus forte des entreprises, en particulier pour les industries financières et fossiles, allait permettre à d’autres secteurs pour tirer leur épingle du jeu, tels que les énergies renouvelables et les soins de santé.
En Côte d’Ivoire, avec le niveau d’endettement actuel, une politique de désendettement public s’imposera au futur président. Dans une telle configuration, les ivoiriens devront s’attendre à vivre des moments très difficiles. En effet, les politiques dites « d’austérité » qui en découlent ont mauvaise presse car elles sont perçues comme économiquement et socialement coûteuses. Certains présentent même les hausses de prélèvements obligatoires et les compressions de dépenses publiques comme contreproductives dans une conjoncture où la faiblesse de la demande reste un frein à la croissance et aux créations d’emploi. Et pourtant deux raisons militent en faveur d’une réduction de la dette dans la prochaine mandature.
La première est qu’un État en défaut de paiement n’a par définition plus accès à de nouveaux financements. Il perd ainsi donc toute marge de manœuvre budgétaire et doit instantanément équilibrer dépenses et recettes. Cet exercice d’austérité aussi instantanée que brutale est d’autant plus douloureux que le déficit est élevé. Il peut même mener à une spirale infernale où coupes de dépenses et hausse de la fiscalité minent l’activité économique, réduisant en retour les recettes de l’État, et forçant un nouveau tour de vis budgétaire qui ne fait qu’aggraver le choc initial.
La seconde est que si les obligations d’État désormais sans valeur sont détenues par les épargnants du pays lui-même – notamment via des fonds de pension – ceux-ci se retrouvent plus pauvres du jour au lendemain, ce qui peut conduire à une nouvelle contraction de la demande intérieure à travers une baisse de la consommation privée. Or, ces mêmes titres sont utilisés comme garantie dans de nombreuses transactions financières, notamment entre les banques commerciales et la banque centrale du pays. Un défaut souverain peut donc geler le marché des capitaux et mener les banques à la faillite, ou à tout le moins, gripper sévèrement le secteur financier au point de rendre impossible ou extrêmement coûteux le crédit au secteur privé.
4. Les élections peuvent-elles entraîner des fluctuations dans les prix des biens et services ? Si oui, à quelles causes ces variations sont-elles liées ?
Réponse :
Oui les élections peuvent entraîner des fluctuations dans les prix des biens et services. Par exemple, en 2010, le taux d’inflation etait de 1,2 %, puis 5% en 2011. En 2014, il était de 0, 5% puis 1,3% en 2015. En 2019, il était de 0,8% puis 2,5% en 2020. Nous constatons qu’en 2010, 2015 et 2020 qui étaient des années électorales, les prix ont augmenté par rapport aux autres années.
Les causes de ces hausses des prix sont nombreuses mais nous pouvons en citer trois. La première est liée aux problèmes d’approvisionnements. A l’approche des élections, les déplacements se raréfient, par peur des effets collatéraux des possibles troubles. La baisse des déplacements concerne également les livraisons de marchandises depuis les zones de productions vers les villes. Du coup, les prix des produits de première nécessité. La seconde est liée à la demande qui ne trouve pas une offre suffisante en cause des craintes des chefs d’entreprises. Ces derniers, par peur de possibles troubles pouvant entraîner des invendus, les entreprises sont très prudentes dans l’offre de biens et services. La production peut même fortement baisser si les crédits de trésorerie deviennent une contrainte supplémentaire. La troisième est liée aux facteurs externes. En effet, il est possible d’avoir une inflation importée liée aux coûts des importations de produits de première nécessité et des matières premières. Si le pays est perçu comme risqué, alors une prime sera exigée afin d’exporter les consommations intermédiaires vers ce dernier.
5. Dans quelle mesure les élections présidentielles influencent-elles les partenariats économiques internationaux, les accords commerciaux et les investissements étrangers ?
Réponse :
Concernant les partenariats économiques internationaux et les accords commerciaux, les groupes d’intérêt peuvent profiter de la période préélectorale, pour signer des « deals » avec les candidats, surtout les mieux placés pour gagner les élections. Les grandes firmes multinationales profitent souvent des élections, surtout en Afrique, pour apporter des soutiens logistiques et financiers à certains candidats afin d’avoir des « marchés juteux » après les élections, une fois ces candidats élus. C’est la raison pour laquelle il est bon de contrôler les financements des candidats aux élections présidentielles. Mais en période électorale, le Président sortant peut faire des « cadeaux » à ses amis en signant, à leur profit, des accords commerciaux et des partenariats économiques, en jouant sur la continuité de l’Etat. Cependant, le nouveau Présidentt pourra toujours remettre en cause ces accords s’il les juge très mauvais et léonins. Les Etats-Unis constituent un bel exemple. En effet, à quelques jours de l’investiture de Donald Trump, le président américain Joe Biden a décidé de retirer Cuba de la liste noire des États soutenant le terrorisme. Mais sa prise de fonction, le président américain Donald Trump a annulé ce décret signé sous l’administration de Joe Biden et a réintégré Cuba sur la liste des « pays soutenant le terrorisme ».
Concernant les investissements directs étrangers (IDE), si l’on s’en tient aux prédictions théoriques, les flux de capitaux devraient baisser en période électorale, compte tenu des incertitudes qui entourent les élections présidentielles dans la région. Une étude en la matière fait aujourd’hui autorité. Dans sa thèse de doctorat soutenue en 2024, à L’Université de Bouaké, kongoza Cyrille a examiné empiriquement le rôle de la démocratie dans la relation entre les cycles électoraux et les flux de capitaux en Afrique Subsaharienne. L’étude a porté sur un échantillon de 31 pays de l’Afrique Subsaharienne et couvre la période 2003- 2020. L’analyse de l’effet des crises électorales sur les flux de capitaux révèle que les crises électorales ont un effet dissuasif sur les IDE et l’aide publique au développement en Afrique Subsaharienne. Cependant, les élections démocratiques ont un effet positif et significatif sur les IDE et l’aide publique au développement. Ce qui suggère que lorsque les États de l’Afrique Subsaharienne organisent des élections démocratiques, les IDE et l’aide publique au développement à destination de l’Afrique Subsaharienne augmentent. Des élections démocratiques semblent être donc des moyens d’atténuation de l’incertitude et des tensions que génèrent les élections en Afrique Subsaharienne, ce qui contribue à l’attractivité des flux de capitaux.
En outre, il a analysé l’influence des élections sur les investissements directs étrangers (IDE) et l’aide publique au développement provenant des pays de l’OCDE et de la Chine dans 22 pays d’Afrique subsaharienne, sur la période 2003-2020. Les résultats de cette étude révèlent que l’effet des périodes électorales sur les IDE varie en fonction de leur origine. Les investissements directs étrangers en provenance des pays de l’OCDE connaissent une baisse pendant les années électorales en Afrique subsaharienne, tandis que ceux en provenance de la Chine augmentent. Cela suggère que les investisseurs des pays de l’OCDE se montrent prudents envers l’environnement politique pendant les élections, réduisant ainsi leurs investissements dans la région, alors que les investisseurs chinois voient ces périodes électorales comme des opportunités pour étendre leur part de marché.
Bien plus, les résultats de l’étude indiquent que l’instabilité macroéconomique a un effet dissuasif sur les IDE en période électorale. Par contre, elle exerce un effet positif sur l’aide publique au développement. Un resserrement des contrôles des capitaux en période électorale a un effet négatif sur les IDE et l’aide publique au développement en Afrique subsaharienne. Par contre, un resserrement des politiques macroprudentielles en période électorale a des effets positifs sur les IDE entrants et l’aide publique au développement.
Retenons pour conclure que la liberté économique, la solidité des institutions et l’état de droit sont des facteurs cruciaux pour attirer des investissements étrangers et favoriser la prospérité économique.
Epiphanie Gbolié